HEURES TERNES | AME DE NUIT |
FAUVES LAS | REFLETS |
Extraits de "Quinze Chansons" |
Voici d'anciens désirs qui passent, Encor des songes de lassés, Encor des rêves qui se lassent; Voilà les jours d'espoir passés! En qui faut-il fuir aujourd'hui? Il n'y a plus d'étoile aucune; Mais de la glace sur l'ennui Et des linges bleus sur la lune. Encor des sanglots pris au piège, Voyez les malades sans feu, Et les agneaux brouter la neige; Ayez pitié de tout, mon Dieu! Moi, j'attends un peu de réveil, Moi, j'attends que le sommeil passe, Moi, j'attends un peu de soleil Sur mes mains que la lune glace!
(poème conclusif du recueil Serres Chaudes) Mon âme en est triste à la fin ; Elle est triste enfin d'être lasse, Elle est lasse enfin d'être en vain, Elle est triste et lasse à la fin Et j'attends vos mains sur ma face. J'attends vos doigts purs sur ma face, Pareils à des anges de glace, J'attends qu'ils m'apportent l'anneau ; J'attends leur fraîcheur sur ma face, Comme un trésor au fond de l'eau. Et j'attends enfin leurs remèdes, Pour ne pas mourir au soleil, J'attends qu'ils lavent mes yeux tièdes Où tant de pauvres ont sommeil ! Où tant de cygnes sur la mer, Des cygnes errant sur la mer, Tendent en vain leur col morose ! Où, le long des jardins d'hiver, Des malades cueillent des roses ! J'attends vos doigts purs sur ma face, Pareils à des anges de glace, J'attends qu'ils mouillent mes regards, L'herbe morte de mes regards, Où tant d'agneaux las sont épars !
O les passions en allées, Et les rires et les sanglots! Malades et les yeux mi-clos Parmi les feuilles effeuillées, Les chiens jaunes de mes péchés, Les hyènes louches de mes haines Et sur l'ennui pâle des plaines Les lions de l'amour couchés! En l'impuissance de leur rêve Et languides sous la langueur De leur ciel morne et sans couleur Elles regarderont sans trêve Les brebis des tentations S'éloigner lentes un à une En l'immobile clair de lune Mes immobiles passions!
Sous l'eau du songe qui s'élève Mon âme a peur, mon âme a peur. Et la lune luit dans mon cœur plongé Dans les sources du rêve! Sous l'ennui morne des roseaux. Seul le reflet profond des choses, Des lys, des palmes et des roses Pleurent encore au fond des eaux. Les fleurs s'effeuillent une à une Sur le reflet du firmament. Pour descendre, éternellement Sous l'eau du songe et dans la lune.
I- Elle l'enchaîna dans une grotte, Elle fit un signe sur la porte ; La vierge oublia la lumière Et la clef tomba dans la mer. Elle attendit les jours d'été : Elle attendit plus de sept ans, Tous les ans passait un passant. Elle attendit les jours d'hiver ; Et ses cheveux en attendant Se rappelèrent la lumière. Ils la cherchèrent, ils la trouvèrent, Ils se glissèrent entre les pierres Et éclairèrent les rochers. Un soir un passant passe encore, Il ne comprend pas la clarté Et n'ose pas en approcher. Il croit que c'est un signe étrange, Il croit que c'est une source d'or, Il croit que c'est un jeu des anges, Il se détourne et passe encore… II- Et s'il revenait un jour Que faut-il lui dire ? - Dites- lui qu'on l'attendit Jusqu'à en mourir… Et s'il m'interroge encore Sans me reconnaître ? Parlez-lui comme une sœur, Il souffre peut-être… Et s'il demande où vous êtes Que faut-il répondre ? - Donnez-lui mon anneau d'or Sans rien lui répondre… Et s'il veut savoir pourquoi La salle est déserte ? - Montrez-lui la lampe éteinte Et la porte ouverte… Et s'il m'interroge alors Sur la dernière heure ? - Dites-lui que j'ai souri De peur qu'il ne pleure… VI- On est venu dire, (Mon enfant, j'ai peur) On est venu dire Qu'il allait partir… Ma lampe allumée, (Mon enfant, j'ai peur) Ma lampe allumée, Me suis approchée… A la première porte, (Mon enfant, j'ai peur) A la première porte, La flamme a tremblé… A la seconde porte, (Mon enfant, j'ai peur) A la seconde porte, La flamme a parlé… A la troisième porte, (Mon enfant, j'ai peur) A la troisième porte, La lumière est morte… IX. Elle est venue vers le palais - Le soleil se levait à peine - Elle est venue vers le palais, Les chevaliers se regardaient Toutes les femmes se taisaient. Elle s'arrêta devant la porte - Le soleil se levait à peine - Elle s'arrêta devant la porte On entendit marcher la reine Et son époux l'interrogeait. Où allez-vous, où allez-vous? - Prenez garde, on y voit à peine - Où allez-vous, où allez-vous? Quelqu'un vous attend-il là-bas? Mais elle ne répondait pas. Elle descendit vers l'inconnue, - Prenez garde, on y voit à peine - Elle descendit vers l'inconnue, L'inconnue embrassa la reine Elles ne se dirent pas un mot Et s'éloignèrent aussitôt. Son époux pleurait sur le seuil - Prenez garde, on y voit à peine - Son époux pleurait sur le seuil, On entendait marcher la reine On entendait tomber les feuilles. XII. Vous avez allumé les lampes, - Oh! Le soleil dans le jardin! Vous avez allumé les lampes, Je vois le soleil par les fentes, Ouvrez les portes du jardin! - Les clefs des portes sont perdues, Il faut attendre, il faut attendre Les clefs sont tombées de la tour, Il faut attendre, il faut attendre, Il faut attendre d'autres jours... D'autres jours ouvriront les portes, La forêt garde les verrous, La forêt brûle autour de nous, C'est la clarté des feuilles mortes, Qui brûlent sur le seuil des portes... - Les autres jours sont déjà las, Les autres jours ont peur aussi, Les autres jours ne viendront pas, Les autres jours mourront aussi, Nous aussi nous mourrons ici... XIII. J'ai cherché trente ans, mes soeurs, Où s'est-il caché? J'ai marché trente ans, mes soeurs, Sans m'en approcher... J'ai marché trente ans, mes soeurs Et mes pieds sont las, Il était partout, mes soeurs, Et n'existe pas... L'heure est triste enfin, mes soeurs, Otez mes sandales, Le soir meurt aussi, mes soeurs, Et mon âme a mal... Vous avez seize ans, mes soeurs, Allez loin d'ici, Prenez mon bourdon, mes soeurs, Et cherchez aussi...